Aujourd'hui nous vous proposons une interview d'un expert de l'influence digitale, Christophe Ginisty (@cginisty). Christophe est Président de l'International Public Relation Association (l'IPRA) et l'organisateur de l'événement Reputation War, dont la deuxième édition aura lieu le 17 janvier prochain .
1) Peux-tu nous donner ta définition d'un influenceur? Est-il nécessaire d'avoir 2.000 followers sur Twitter ou écrire dans un blog pour être influent ?
J'ai toujours été gêné par la notion même d'influence à laquelle je préfère la notion d'affluence. Depuis l'émergence du phénomène des blogs et l'avènement du web social, ce qui caractérise le mieux les flux d'information est leur fluidité, leur "liquidité" et cette propension à s'amplifier au contact de multiples sources qui croisent leur chemin. Un peu finalement comme une petite rivière qui devient un fleuve. L'influenceur est donc pour moi celui qui contribue à donner du mouvement et à l'amplifier grâce à ses contributions. Et quand on voit les choses de cette manière, on comprend qu'il n'existe pas un influenceur principal mais un mouvement d'influence formé par de multiples énergies.
2) En tant que communicant, peux-tu nous décrire pourquoi il est important de déployer aujourd'hui de nouvelles stratégies d'influence ? Quels bénéfices peuvent être obtenus par une marque qui réussit à capter l'attention des influenceurs ?
Il faut concevoir de nouvelles stratégies d'influence car nous sommes en présence d'un nouveau média : la foule ou ce que Henri Verdier appelle dans son ouvrage la multitude (cf. le livre L'âge de la multitude). Il y a encore quelques années, les médias traditionnels étaient presque les seuls dépositaires de fait du pouvoir d'influence. Les marques ou les organisations abreuvaient ces médias de communiqués en tout genre dans l'espoir qu'ils soient relayés. Aujourd'hui, les choses ne se passent plus du tout comme ça et même si certains continuent à diffuser des communiqués de presse, les marques et les organisations sont au contact direct de leurs clients, de leurs partenaires, de toutes les parties prenantes sans qu'il n'y ait plus la moindre médiation au sens premier du terme. La communication n'est pas devenue digitale, elle est devenue sociale et les professionnels de l'influence doivent le comprendre. C'est ce qui rend nécessaire la définition de nouvelles stratégies de communication car on ne se comporte pas de la même manière avec une poignée de journalistes et des milliers d'internautes.
3) Tu connais parfaitement le monde des agences. D'après toi, sont-elles aujourd'hui bien préparées et équipées pour mettre en place les stratégies d'influence de leurs clients ? Quels problèmes rencontrent-elles au jour le jour pour identifier les influenceurs ?
Les agences ne sont pas suffisamment préparées pour au moins trois raisons. La première, il faut le reconnaître, est que beaucoup d'agences ont refusé de voir le digital comme une opportunité. Elles ont d'abord regardé ces blogueurs avec une forme de condescendance amusée, refusant de trouver quelque crédit aux réseaux sociaux. Cela a eu pour conséquence de retarder leur connaissance du phénomène. La deuxième raison vient du fait que les agences (et leurs clients avec) ont consacré beaucoup trop de temps à considérer Internet comme un monde à part, déconnecté du "monde réel." Elles ont créé des départements "digitaux" à la marge des autres départements de l'agence, contribuant ainsi à marginaliser cet environnement là où il fallait l'intégrer de manière fluide aux autres. Enfin, la troisième raison est le résultat de la perplexité organisationnelle des annonceurs. Les influenceurs sur les réseaux sociaux doivent-ils être traités par le marketing, la communication, les services après et avant ventes ? Cette question est d'une très grande complexité car elle renvoie à une obligation de réorganisation des directions opérationnelles pour affronter le monde extérieur. Et tant que les annonceurs ne sont pas prêts, leurs agences ne peuvent pas l'être non plus.
4) Estimes-tu avoir utilisé ton statut d'influenceur pour lancer l'initiative de la première édition de Reputation War ? Comment et avec quels résultats ?
Si l'on retient ma conception de l'influence qui évoque celui qui contribue à donner du mouvement, alors oui, j'ai usé de cette énergie pour lancer ReputationWar. La toute première fois que j'ai partagé l'idée d'organiser une conférence était dans une note sur mon blog qui était un appel à candidatures bénévoles. Je voulais mobiliser des énergies positives autour de ce projet afin d'en faire une oeuvre collective. Une trentaine de personnes ont répondu à mon appel puis des institutions comme le Syntec RP qui a voulu en être co-organisateur. Des partenaires et des sponsors se sont joints à nous pour permettre à ce projet de devenir réalité (dont Augure !). Au final, 250 personnes se sont déplacées pour la première édition et ce fut un vrai succès. Tout est partie de cette petite note.
5) Est-ce que l'un des critères pour choisir les speakers de Reputation War est leur influence?
Oui et non. Non d'abord, car je me moque de leur influence au sens où on l'entend parfois, en mettant en avant nombre d'amis ou de followers sur tel ou tel réseau social. Mais oui dans la mesure où les speakers que j'ai choisis ont tous une influence sur moi. Ils m'ont tous inspiré de nouvelles idées et permis d'avancer dans ma construction éditoriale. Et à ce titre là, ce sont bel et bien MES influenceurs.
Fondateur de Open Agency, auteur de l'essai Allons enfants de l'Internet! (2010), blogueur sur la toile française depuis 2004, Christophe est également le créateur et l'organisateur de la conférence ReputationWar, un événement consacré aux nouveaux enjeux de la gestion de la réputation dans un monde digital. Il a débuté sa carrière en créant l'agence Rumeur Publique dont il fit l'une des plus importantes agences du marché puis a travaillé deux ans à la direction EMEA de Edelman en tant que European Digital Evangelist.
Merci à Christophe pour avoir répondu à nos questions ! Des commentaires ? N'hésitez pas à nous en faire part.