Vendredi dernier, 16 janvier 2015, nous avons assisté à la 3ème édition de Reputation War, dont nous sommes partenaires depuis sa première édition. Cette année, Christophe Ginisty, organisateur de la conférence, nous a offert de nombreux experts, de différentes nationalités, qui se sont réunis autour du thème " La marque et le territoire " : comment développer la réputation et l’attractivité d’un territoire (un pays, une région, une ville) et comment les marques s’emparent des territoires pour construire leur réputation ?
Dans un monde connecté, dans lequel la globalisation est désormais une évidence, les territoires sont confrontés à un défi complexe : construire une image unique, afin d’attirer et retenir une grande variété de publics (investisseurs, touristes, parties prenantes, influenceurs, etc). Les territoires doivent ainsi se " brander " et devenir de véritables marques.
Quand on parle de réputation et de marque, les objectifs des entreprises sont doubles : comprendre comment la marque est perçue et essayer d’influencer cette perception, ou mieux, construire sa réputation. Et comme le dit Jean-Noël Kapferer, quelque part pionnier de la marque-pays, “C’est encore plus vrai pour un territoire, dont les caractéristiques intangibles constituent des leviers d’attractivité symboliques majeurs”.
Nous acceptons ici le pari de Nicolas Bordas et David Jobin et allons essayer de répondre à la question: " Les territoires peuvent-ils devenir des marques comme les autres ? "
Notre réponse : oui !
Les recettes pour faire d’un
territoire une marque à forte
valeur ajoutée
1. Une idée cohérente, un élément différenciant
Jose Philipe Torres, CEO de Bloom Consulting, soutient l’idée que tout pays doit vendre une vision, une culture qui attire les flux économiques et commerciaux. Selon le rapport " Country Brand Ranking 2014 ", la marque d’un pays/région/ville est un atout qui doit être géré par un ensemble d’actions pour atteindre les objectifs souhaités. Bloom Consulting définit 6 différents objectifs ou dimensions :
- Attirer les investissements
- Tourisme
- Attirer les talents
- Renforcement de la fierté nationale
- Renforcement des efforts diplomatiques
- Augmentation des exports
Pour atteindre ces objectifs, un élément est néanmoins essentiel : la cohérence du brief. Vous devriez ainsi vous poser les questions suivantes : Quelle est la valeur ajoutée que je veux donner à ma marque pays/région/ville ? Quels sont les éléments qui me différencient de la concurrence ?
Savoir ce que votre marque veut représenter et savoir quelle est sa promesse. Votre promesse de marque doit être précise et réalisable, et vous devez être en mesure de la communiquer clairement et de manière cohérente.
Pour faire cela, différentes méthodes sont envisageables :
- Vous devez savoir comment votre pays/région/ville est perçu localement et à l’international. On y viendra plus tard, mais une marque territoire se fait par et avec des personnes, et non pas enfermé dans un bureau. Comme toute étude de recherche marketing, utilisez des méthodes qualitatives et quantitatives, travaillez votre SWOT pour identifier vos atouts stratégiques.
- Veillez ! Faites un benchmark des autres territoires. L’objectif n’est pas de les copier, mais d’apprendre des "meilleures pratiques" ou des actions qui ont bien fonctionné.
- Surveillez également votre réputation! Soignez-la sur les réseaux sociaux et sur les moteurs de recherche. Ce qui se dit d’un territoire est plus important que ce que le territoire dit de lui-même.
2. Une vision. Proposer un avenir
Au cours de la mise en place de votre stratégie de branding et après avoir établi votre promesse et ADN, il faut proposer une VISION.
Comme n’importe quelle marque grande consommation, une marque-territoire doit s’appuyer sur des " raisons d’y croire ". On l’a vu avec Jackie Brock-Doyle et le succès des Jeux Olympiques 2012 de Londres et la valorisation du territoire de East London après les JO. L’objectif était ambitieux, mais ce qui n’a pas manqué est l’authenticité. Sans l’engagement de ses citoyens, la ville de Londres n’aurait pas eu une si bonne réputation et de tels résultats. Comme Jackie nous l’a montré, une vision puissante unit une organisation avec toutes ses parties prenantes :
- Créer de la compréhension
- Aider à la création et à la prise de décision
- Inspirer les gens
- Construire la confiance
- Faire participer tout le monde
- Etre viable et avoir une vision à long terme.
Il est ainsi important de proposer un avenir et être concentrer pour atteindre ses objectifs, sa vision à long terme.
Ce sont des enjeux qui nous interrogent lorsqu’on se penche sur l’utilité de la France. " A quoi sert la France, et qu’apporte-t-elle au monde de différent des autres pays ? " Pour répondre à cette question, Philippe Lentschener nous a parlé des trois piliers pour fonder la marque France.
- Amour des gestes, des démarches du savoir-faire. La France est l’un des premier grand cluster économique à rayonnement européen qui rassemblent dans un même lieu les meilleures compétences dans beaucoup de métiers (217 métiers d’art !).
- Vision, qui est présentée comme " la capacité à penser, imaginer et initier" . C’est le moteur d’une marque, sa valeur ajoutée. Mais la vision, c’est aussi une partie intégrante de la culture française : comme écrit dans le rapport, les Français " exigent d’avoir une vision qui les motive ".
- L’art de la surprise. Les Français sont des dé-constructeurs, " La France n’est jamais là où on l’attend " .
Tous les français dans la salle s’y sont reconnus et je pense que Philippe Lentschener et toute l’équipe qui travaille sur ce beau projet sont sur la bonne route. En tant qu’étrangère, les caractéristiques de cette belle marque font rêver. Moi, j’achète ! 🙂
3. Développer l’attractivité du territoire et en construire l’imaginaire
Chaque territoire est naturellement associé à une représentation mentale et une réputation enracinée dans un mélange de traits constitutifs tels que l’histoire, la culture, les équipes sportives, ou les personnalités de ses habitants. Toujours pour reprendre Kapferer, les territoires sont comme des marques : ils ont le pouvoir d’influencer l’opinion des consommateurs à travers des associations spontanées et à travers les émotions qu’ils remuent. On parle de plus en plus de marques émotionnelles, mais cela a toujours été vrai pour les territoires. Tout comme il est important de développer un lien affectif avec votre marque, il est tout aussi important de développer un imaginaire qui relie les consommateurs avec votre marque. Quand je parle d’imaginaire de marque, je sous-entends les éléments matériels et immatériels que les consommateurs associent avec une marque. Cela pourrait être un packaging, un sentiment, un goût, et ainsi de suite. L’imaginaire d’une marque est visuelle, auditive, olfactive ou tactile. Et surtout…cet imaginaire peut être unique pour chaque consommateur.
Si l’on prend l’exemple d’un territoire, une façon de devenir un lieu d’attraction est d’instrumentaliser la culture pour créer le branding de la ville. Créer des imaginaires urbains est important pour développer l’attractivité d’un territoire. Prenez l’exemple tout européen de " I AMsterdam ". Chaque investisseur, touriste, citoyen de la ville peut construire autour de cet imaginaire son propre ressenti.
Work in progress pour les futures régions française après redécoupage territorial ! Les étudiants de l’Ecole de la Communication de Sciences Po ont fait épreuve d’imagination et ont essayé de trouver des noms évocateurs et porteurs de sens. Selon Nicolas Bordas et David Jobin, les futures régions peuvent devenir de grandes marques, à condition qu’elles trouvent des noms pour véhiculer un meilleur imaginaire, avec un objectif culturel et citoyen.
4. Impliquer les personnes
Nous pouvons aussi dire que le fil rouge qui a conduit cette édition de Reputation War 2015 était l’émotion, qui doit être au centre de toute stratégie, pour que la population du territoire l’adopte. Construire une marque-pays diffère sensiblement de l’image de marque des biens de consommation. La réputation d’un territoire, comme l’a justement dit Jean-François Kerroc’h, Directeur général de Destination Rennes, peut se construire seulement en impliquant et en engageant les citoyens. Elle nécessite d’avoir construit et façonné ce territoire, en proposant un avenir (pour en revenir au point précédent). La marque-territoire doit donc être ouverte et collaborative pour que puissent s’y rallier les politiques publiques, les citoyens, les entreprises etc. Sa construction dépend de la capacité à s’identifier aux valeurs de fond que le territoire même exprime, et que celles-ci aient un impact émotionnel sur la collectivité.
“La marque-territoire est un catalyste inspirationnel. Son but n’est pas de faire, mais de faire-faire sous son égide.” Et alors, si l’on paraphrase le pari de Pascal, on ne perd rien à y croire et à travailler pour aider à construire la marque d’un territoire ou bien sa réputation.
Mais pour créer cette réputation et la faire rayonner au delà de notre territoire, il faut trouver les bons influenceurs, les ambassadeurs de notre territoire. Identifier les influenceurs est un défi qui ne concerne pas que les marques produits/service. Faites leur part de votre projet et construisez un projet à long terme avec eux.
Travailler la réputation est un enjeu important et les territoires doivent façonner/construire leur image et imaginaire de marque. Les caractéristiques mises en avant par un Etat, une collectivité ou une entreprise ne peuvent être le fruit du hasard ou d’un buzz éphémère. Prenez votre temps, construisez une image cohérente et de qualité. Quand toutes ces étapes sont suivies et bien pensées, la réputation viendra par elle-même.
Durant Reputation War 2015, nous avons aussi vu en quelle mesure le territoire est un atout important pour façonner l’identité d’une marque. On reviendra sur ce sujet dans un prochain article, en détaillant les stratégies d’entreprises comme Armor Luxe ou L’Occitane qui travaillent sur l’imaginaire du territoire et de ses savoirs-faire pour modeler leur image de marque.
Qu’est-ce que vous avez retenu de cette belle conférence ? Comment voyez-vous le futur des marques-territoires ? Les pays doivent-ils s’équiper d’un " pôle branding " ?